mercredi 18 juin 2014

Extraits de "Othello et Juliette" in "le mythe d'Harpagyn"





Le mythe d'Harpagyn

[Othello -milieu banque commerce finance mais en totale déconfiture.. dont il a claqué la porte avec force, engagé extrême gauche depuis-.. se dispute avec Juliette -milieu instit et commerce- après une soirée éprouvante qu'il l'a contrainte à accepter, chez sa mère.. qui la racise ouvertement -Juliette ne fait pas partie du "Clan"-. Le ton montera jusqu'au drame, évité de justesse.]


Juliette proteste fortement, il avait dit "juste une heure" et il est une heure du matin, elle a des copies à corriger et part pour une nuit blanche etc.. Othello, excédé, éclate.

... "- Tu n'as pas vu combien elle allait mal?" Il enchaîne tout de suite, hors de lui : "Tu fais toujours des histoires, tu la détestes, tu es aigrie, envieuse, une minable".. Il perd les pédales, ses termes mêmes révèlent qu'il EST à cet instant celui que l'on a formaté autrefois et qu'il prétend haïr, libéré assure-t-il de ce milieu délétère qui est sien... Il pratique ici le bourrage de crâne des vendeurs voulant forcer un chaland à l’achat d’un produit déficient -non, Juliette n’a rien vu, au contraire, la "mama" lui avait plutôt semblé aller bien- et, sans lui laisser le temps de répliquer ou même de penser, il poursuit sur un sujet-muletta - qui n'a rien à voir-, la maison, qu'il affectionne particulièrement : 

-... J’en ai honte, de ce foutoir, oui, honte. Je ne te l’ai pas dit mais Daniel et Denise ne veulent jamais manger chez nous à cause de l’état de la vaisselle. Et même Yves et Claude. Oui, ils me l’ont dit... enfin, à Maya. Pas devant toi, bien sûr... Mais regarde chez ma mère, chez Josée et même chez Michel et Maya. Tout est impeccable, parfait... Et ne me dis pas "je travaille". Je travaille, je travaille... tu ne sais dire que cela. Mais tu n’es pas la seule, ma fille, à travailler. Chez David aussi, c’est parfait. Et Leila aussi, elle travaille et bien plus que toi, même... Non ?"
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Une pierre dans le jardin de Juliette : Leila, l’épouse de David, un ami d'Othello, est chercheure à l’INSERM.. et parfaite à tout point de vue. Elle a "réussi", elle : Othello tente d'humilier sa femme par une comparaison qu'il croit cruelle -et elle l'est.. en un sens-. De surcroît, cela n’est pas dit ici, elle a une fortune personnelle qui rend plus facile la vie du couple. Il reprend :
- ... Et elle ne trouve pas déshonorant pour autant de laver correctement la vaisselle, elle. Mais qu’est-ce que tu as pour agir ainsi? Pour qui te prends-tu ? Tu es une enfant gâtée, toujours dans tes livres, ton "œuvre", égoïste, comme tous les enfants uniques ..."
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Ce n’est plus une pierre mais un pavé cette fois qu'il lance : ne pas avoir eu de fratrie est le drame de Juliette. Lorsque tout va mal, contrairement à Othello, elle est seule. Tout le Clan évidemment soutient le frère, le Chef, contre elle ou contre n'importe quel out sider ou aléa. Seule, toujours, cela l'a renforcée.. mais sa plaie est vive, qu’il fouille à plaisir. Il continue, mais, là, il va se dévoiler, c’est sa seconde erreur. Juliette qui ne la relève pas immédiatement, sous l’avalanche elle ne fait que parer, l’enregistrera cependant et s’en servira ensuite. Cela lui permettra même de porter le coup décisif.. mais dangereux.

- Madame se prend pour Simone de Beauvoir... Alors évidemment, les ploucs comme moi ... La vaisselle, c’est au dessous de toi ...
En fait, Othello craint qu'elle ne le dépasse, sur certains plans, et il vient de le lui faire comprendre.. Là, il utilise en vrac de supposés séides ("Denise et Yves disent que la vaisselle est sale") même s'il se mêle peut-être un peu de vrai dans ces réflexions rapportées (?) À Juliette ensuite de démêler les fils... et dans ce milieu où les choses, du moins certaines, se disent rarement directement, désormais encore plus mal à l'aise, elle se méfiera de tous : ceux qu'il vient de citer sont justement ceux qu'elle appréciait le plus. Elle résiste, ferraille d'estoc et de taille, mais mal, en criant, en se justifiant.. tout en accusant aussi :

- J’ai un travail prenant (oui, tu peux rire, je sais, je gagne peu !) un long trajet, une heure, tu rigoles, je ne peux tout assumer parfaitement à la fin, tu n’es jamais là en plus.... et tu ne sais rien faire de tes mains, même pas du bricolage élémentaire.. Ta mère tient parfaitement sa maison ? Bravo. Avec une femme de ménage à temps plein et rien à faire de ses journées, évidemment.. Et tu as le culot de la citer en exemple. Leila ? Bien sûr. Mais elle aussi est aidée... Et puis si tu voulais une femme riche, tu n’avais qu’à en épouser une autre, tiens, Leila, par exemple, pourquoi pas ?

Juliette ici mélange les coups, les bons et les mauvais. Certains sont bien portés quoique faciles, l’allusion au train de vie de sa mère par exemple -un peu basse cependant.- Celle-ci ayant perdu sa fortune mais non ses habitudes, c'est Juliette qui, rejetée parce qu'indigne de la caste, se voit indirectement contrainte d’assumer en partie l’entretien.. de celle-là même qui la toise.. un retournement de situation humiliant tant pour Othello que pour la vieille dame, qui, paradoxalement, a encore aggravé son racisme.- Elle a gardé cette dernière cartouche, trop mesquine, pour la fin mais à bout, la tire tout de même... et touche. 

Pour ce qui est de Leila cependant, elle se fourvoie lamentablement: David, lors d’une soirée au cours de laquelle il avait un peu trop bu, pendant que sa femme débarrassait et chargeait le lave vaisselle à la cuisine (!) avait laissé entendre sans la moindre gêne, sur le mode badin, à Othello, devant Juliette soufflée.. qu’il l'avait épousé à cause de l’aisance matérielle qu'elle lui conférait*... Othello s’en était offusqué, observant qu’il s’était, lui, marié par amour et qu’il ne le regrettait ni ne le regretterait jamais. Juliette avait été touchée par cette émouvante déclaration publique, même triviale et mufle. "Tu vois, tu vaux plus que x millions de dollars" lui avait-il dit en riant ensuite, l’enlaçant, dans la voiture. Elle était amoureuse, le propos l’avait amusée plus que choquée et c’était devenu un sujet de plaisanterie entre eux. Elle n'avait jamais approfondi la question. À présent qu'un tout autre scénar se dessine, cela ne l'amuse plus du tout : cela la glace. Qui est le "vrai" Othello? Celui qui rembarre ce maquereau de David ou celui qui.. L'ENVIE? Mais là, elle commet une erreur : brocardant la malheureuse Leila, elle semble se promouvoir elle-même, fût-ce par une légère ironie contre une concurrente et s’abaisse au rôle de lauréate du Premier prix d'un concours difficile et enviable -Othello ou un mec quelqu'il soit.- Il saute aussitôt sur la faute et l’accentue..." 

* Ce qui d'ailleurs n'était un secret pour personne ; bizarrement, dans ce milieu trad très can't, si tout reproche -ou presque tous- se glissait sous des non-dits, des postures, des allusions codées  perfides mais que seuls les initiés et les victimes pouvaient saisir.. le fait de s'être marié par intérêt ne semblait déranger -presque- personne et n'avait donc pas à être caché : mieux, cela semblait aller de soi et être salué. Dans l'esprit de David, seul à un rare benêt comme Othello -marié par amour, une faute de goût- il fallait se résoudre à le dire clairement.. et en le cas presque fièrement : il avait "réussi", lui, à décrocher un parti envié.. Une victoire qu'Othello -très exigeant- récusait -une ironie toute en non-dits-. D'après lui, Leila était peu sexy. Juliette si. Sous ces trois boutades échangées en une minute ce soir de fiesta, y  aurait-il eu des tiroirs  qu'elle n'aurait pas ouverts? David -à qui, notons le, personne ne demandait rien!-, jaloux de l'allure de Juliette, avait-il voulu se justifier de posséder une femme moins belle ? Et Othello, derrière son indignation vertueuse, et proclamant son bonheur, l'enlaçant, lui, si coincé d'habitude, avait-il voulu faire la nique au faraud? Cela, Juliette ne le sait pas, ne le devine même pas -pas encore- et, inconsciente de sa propre valeur, tout occupée à parer les coups, elle se fourvoie dans le marécage où il l'a poussée, s'attaquant à plus "victime" qu'elle. Elle ressent juste un malaise ; l'analyse viendra après.. longtemps, très longtemps après.
Suite : lien.
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L'article précédent (analyse de la prostitution masculine en milieu bourge  morale trad et religion.)
http://femmesavenir.blogspot.fr/2014/06/lideologie-inverse-les-predicats-dune.html
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LE DOSSIER "Le complexe de Dom Juan"
http://femmesavenir.blogspot.com/2014/06/quand-deux-hommes-se-battent-pour-une.html

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