mardi 31 décembre 2013

Comment faire un best-seller qui marche du "feu de Dieu" -pas donné mais vendu-.. et devenir un "in-con-tournable"



 
C'est simple mais cela se décline de multiples manières. En voici une, assez porteuse : prenez quelques faits historiques réels ou acceptés, une abbaye mystérieuse où il se passe des choses bizarres — il s'en passe dans tous les lieux religieux, ne seraient-ce que les innombrables visites de gens à leur recherche justement— des coïncidences de dates sur un personnage ayant existé, une prémonition attestée d'un écrivain sur une catastrophe, celle du Titanic par exemple, ou mieux encore, simplement un sujet d'actualité hyper vendeur déjà bien médiatisé, si possible sanglant, famille ou sexe... voire politique ou les deux car politique sans cul, c'est moins porteur — l'affaire Grégory fit d'excellentes recettes, Ranucci un peu moins mais tout de même, les histoires de quéquette et de chaussures de Dumas ne furent pas d'un mauvais rapport elles aussi grâce à Christine etc..— Là, dessus, adoptez une position résolument à contre courant de la thèse traditionnelle reconnue, y compris si ce n'est pas logique, aberrant voire abject : plus c'est moche, plus ça plaira/paiera [les bons esprits pullulant comme grenouilles en marre rasent toujours un peu] ... Pro violeur ou accusatrice des femmes si vous êtes féministe, reconnue -ou pas-; pro Le Pen si vous êtes juif/ve, noir/e ou arabe etc... [les camarades dudit vont vous offrir une estrade, ils en "tiennent" "un", vous démentez les méchantes rumeurs sur eux.. tout comme les anti féministes vont vous dérouler un tapis rouge].. ou défenseur d'un vieux nazi si vous avez une réput impeccable d'anti raciste courageux et militant [mais un peu ancienne, et hop, ça va repartir].. voire, dézingueur -hard- d'un ex amant- agresseur sexuel ou mieux [que vous avez défendu avec brio contre tous] corroborant en pire tout ce qui a été dit sur lui, nous y reviendrons.

Brodez un scénario provoc — glamour si possible— laissant entendre que vous détenez des informations importantes dont vous ne pouvez divulguer qu'une partie, dans lequel vous mélangerez réel et imaginaire en lui donnant le ton du vrai, du scientifique indiscutable, de l'intime ou de l'initié pour ce qui est du people et du cul qui échappent à toute règle physico mathématique. Même si par la suite vous assurez [devant un proc] n'avoir fait qu'une œuvre d'imagination, personne ne vous croira et c'est très bien [et le juge vous laissera tranquille]...  Mixez serré et bouillant pour qu'on ne s'y retrouve plus, l'imagination des lecteurs fera le reste, et elle est fertile.

Ajoutez-y aussi s'il faut -selon les sujets- une dose de mysticisme ou d'anarchisme dur avec un zeste d'humanisme et d'écologie type science fiction pour ratisser large et mine de rien être dans le vent, plus une belle couche de violence -et/ou de racisme- : vous tenez là les ingrédients d'un best seller à tout péter. Il n'est pas mal alors de demeurer à l'écart et n'accepter aucune remise en cause directe, vous devez faire vous aussi partie du mystère. Tout le monde se laissera prendre, vous vendrez de plus en plus, les lieux [s'ils font partie du scénar] deviendront aussi célèbres que vous et leurs indigènes vous en seront reconnaissants. Ce n'est pas -par exemple- le petit Maire d'un hameau perdu au fond de l'Ariège qui va vous démentir question apparitions, il a même obtenu une subvention inespérée du Conseil Général pour retaper son village et un pont d'or d'un producteur pour restaurer l'église afin d'y tourner un film sur les "événements". Les libraires seront au pied et quant aux habitants, loin de remettre en cause les "faits" que vous relatez, même s'ils n'en avaient jamais entendu parler avant, ils les corroboreront haut et fort devant caméra comme évidences historiques connues de tous... croisant les doigts pour que leur pays devienne un Lourdes de bon rapport. De cette providence, vous serez le pourvoyeur.

Si vous optez pour un sujet politique et/ou judiciaire, alors, en rangs serrés, le groupe, les amis et la famille de l'"innocent" que vous défendez —choisissez le important ou le plus franchement coupable voire odieux, il faut choquer— constitueront pour vous un service de presse zélé, gratuit, absolument hors norme. Il faut aussi vous attendre à ce qu'un confrère avisé -ou sincère, ça arrive!- s'accroche à votre bouquin pour en faire un autre afin de profiter de la manne -ou par honnêteté-... fustigeant durement votre "recherche". C'est très bien ! n'en faites pas cas, il faut qu'il réussisse, ça vous propulsera davantage, on parlera de lui donc de vous, il y aura les "pour-vous" et les "pour-lui" et ça relancera à l'infini. Vous pouvez même le susciter si vous avez des potes dans le besoin. Ne soyez pas égoïstes. Créez une sorte d'affaire Dreyfus.

Tout ceci ne serait pas grave si vous écrivez bien — et si l'innocent est vraiment innocent et le coupable vraiment coupable mais ce n'est évidemment pas le but, au contraire—... pas grave si cela ne conduisait au placard des littérateurs de talent se morfondant devant leurs manus refusés quand vous croulez sous les propositions d'une suite, contrat juteux à la clef, dollars, conférences, télés... Et voilà le travail, calqué sur le modèle américain: faits divers "réels", mysticisme, suspense, ésotérisme, certitudes "scientifiques", cul, violence, politique [mais là il faut bien choisir ses héros], racisme, surtout si vous êtes noir [car des racistes blancs, il y en a des bétaillères pleines et ça ne rentre pas un kopeck].. En ce cas, il vous faut choisir une cible, en principe les juifs sont de bons clients, ou si vous êtes vraiment culotté mais c'est plus risqué.. les noirs eux-mêmes, avec à la clef "études sociologiques" ou "enquêtes" censées mettre à mal vos sujets, ou mieux, un troupeau entier : l'église [ou un groupe religieux ou ethnique bien achanlandé], l'état ou n'importe quelle institution vendeuse... qui vous feront eux-mêmes vendre car il n'y a rien de plus acheteurs que ceux que l'on damne. [Il faut connaitre l'ennemi pour s'en défendre.] Et ceux là en ont les moyens, quitte à pilonner ensuite. Quant à ceux qui damnent, toujours à la recherche de références, ils se précipiteront en premier dans les librairies, l’œil brillant de convoitise. Vous serez LE spécialiste.

Entre les "pour-vous" et les "contre-vous", les débats feront s'envoler l'audimat ... et envoyer les dollars, c'est le but. Le top de la réussite [mais c'est rare en dehors de ces pro que sont les politiques] est que notre nom devienne éponyme de l'"idée" que vous avez promue, même si vous n'en avez aucune [à condition que celui-ci ne soit pas trop ridicule ou mal sonnant, comme "Vadeboncoeur" pour le prêtre pédophile, "Vacogne" pour le juge épinglé pour sa férocité, Pillard pour le Maire de (...) voire Grappin, Arnac ou simple Poury pour les membres éminents son équipe].. et le simple Dubalet que vous étiez devient chef du mouvement "dubaliste". Tout est bien. Relancez de temps en temps par une "parole malheureuse" car l'actu file vite et on a tôt fait d'être oublié. Une amende? pas grave, au bout du compte, vous y gagnerez.

Vous tenez là une carrière inespérée. Mais il se peut que cela s'essouffle et que votre mauvaise foi, après vous avoir porté, vous nuise car des petits filous comme vous ayant déjà fait leur preuves, les éditeurs en ont plein les placards. Alors, vous n'avez pas le choix, tentez le grand schelem : changez de position, virez à 180 degrés.

Coup de théâtre, brûlez ce que vous avez adoré. Si vous vous êtes fait un nom comme danseuse nue ou féministe de choc, faites vous l'apôtre du tchador [l'inverse est plus périlleux] ou défenseure d'un serial violeur. Finalement vous avez eu des infos, une "preuve", c'est un cas de conscience, il vous faut parler: l'innocent que vous défendiez contre vents et marées est bel et bien coupable, vous ne le saviez pas -vous étiez bien le seul mais baste..- "on" a profité de votre naïveté.. et à présent vous vous faites un devoir de etc... Là aussi, laissez entendre que vous avez des infos pointues, si possible plus hard encore que tout ce qui a déjà été dit, forcément, vous avez côtoyé le diable, vous. N'oubliez pas qu'après votre best-seller -et même d'ailleurs s'il s'est vendu modérément- vous êtes devenu/e un/e spécialiste écouté/e. Les pro culpabilité [la majeure partie du public puisque, avisé, vous avez pris soin de choisir un innocent indiscutablement coupable] vont alors se ruer sur le bouquin pour river leur clou à leurs détracteurs ["à présent, même Dubalet dike"], vous êtes sûr du coup. Le top est d'avoir réussi à vous "infiltrer" au point d'être devenu/e un/e intime du gus.. Là, pas de question : "il/elle sait de quoi il/elle cause sur ce cochon-là". Note : le revirement peut s'opérer plusieurs fois certes [féministe, puis défenseure d'un serial violeur et enfin, cogneuse du même jusqu'au KO final..] mais il ne faut pas exagérer, trois, c'est très bien mais c'est le max ; après [si vous tentez de faire amende honorable et revenez, soft à sa défense] ça n'intéressera plus personne, vous pourrez même faire rire, à vos dépends.. quoique le rire aussi soit parfois vendeur mais prendre le public pour des c. à ce point [il l'est mais tout de même..] est dangereux.

Exemple le cador "climatosceptique" dont les "recherches" étaient payées par les trusts pétroliers, qui soudain a tourné casaque, promettant au public des "révélations" alarmistes pire encore que tout ce que l'on sait déjà, un vrai "J'accuse" (!) ..



Montrez vous alors plus catégorique encore que vos "ennemis" de la veille, il faut vous démarquer là aussi sinon vous risquez de vous noyer dans leur masse ; oui ils ont bel et bien raison, battez votre coulpe sans modération, rajoutez-en une couche, les repentis, ça se vend toujours bien, forcément, ayant été "in", ils savent "tout", même les secrets les plus inavouables... et la morale est enfin sauve, ce qui réjouit les Margot des deux genres. Ça repartira du feu de.. Dieu. Certes, vous pouvez aussi dégoûter c'est vrai, mais le dégoût aussi se vend bien, on fera juste précéder votre nom de : "le ou la sulfureux/se" Dubalet bien connu/e, ce qui n'est pas rien. Cette fois, vous accepterez ou non les interviews, une question de circonstances, vous pourrez aussi vous planquer -ça paie bien, et il faut dire que le jeu est épuisant-, vous êtes un cador, à vous ou à votre éditeur de voir etc... Et les gens de bien, toujours naïfs et peu rancuniers vous tendront la main. Tapis rouge, de tous côtés, fric etc. Go?


Hélène Larrivé
Lien avec "le prix d'une auteure"(image)

Texte écrit le 2/11/11..  (lien avec le texte original -le Cabri d'or, histoire d'un prix littéraire-) prémonitoire!! Lien avec l'affaire Yacul

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